Grace Ge Gabriel
« Pour assurer la survie des animaux et des humains sur cette planète, nous devons impérativement changer de comportement. »
20ème anniversaire du Centre de sauvetage des rapaces de Pékin : quelques réflexions
Par un après-midi d’hiver glacial de 2001, une boîte en carton à la main, nous étions tout un groupe à grimper sur une colline surplombant Pékin. Le soleil était sur le point de se glisser derrière les arbres. Le seul bruit était celui de nos pieds crissant sur les feuilles mortes. « C’est un bon endroit », fut chuchoté par l’un d’entre nous alors que nous arrivions sur une zone plate. Une avancée en pierre surplombait la colline. Derrière nous, il y avait une petite forêt. J’ai posé la boîte sur la pierre, je l’ai soigneusement retournée sur le côté, l’ouverture opposée à moi, et j’ai doucement ouvert les rabats. Un petit hibou grand-duc a bondi, a fait quelques pas et s’est retourné. Avant de s’envoler dans les arbres, nos regards se sont croisés pendant un instant.
J’étais submergée par l’émotion. De nombreuses premières ont eu lieu pendant ce bref moment. Ce hibou grand-duc a été le premier patient du premier centre de sauvetage des rapaces de Chine à avoir été remis en liberté. Pour la première fois, le bien-être animal a été pris en compte lors du retour d’un rapace sauvage à la liberté. En libérant l’oiseau nocturne au crépuscule, nous lui avons donné la meilleure chance de se familiariser avec son nouvel environnement, d’attraper des proies et de survivre dans la nature. En regardant le hibou grand-duc prendre son envol ce jour-là, je me suis souvenue de la motivation qui m’avait poussée à créer le Centre de sauvetage des rapaces de Pékin (BRRC).
Au cours de l’hiver 1998, les médias ont rapporté que les douaniers chinois avaient effectué une série de saisies de rapaces issus du commerce illégal. L’une des saisies effectuées à l’aéroport international de Pékin concernait près de 400 faucons sacres. Le faucon sacre est un oiseau migrateur de taille moyenne dont l’aire de répartition s’étend de l’Europe centrale à la Chine. Les oiseaux de contrebande étaient empaquetés ensemble dans des valises, les paupières cousues, et enfermés dans des collants, en route pour le Moyen-Orient. Malheureusement, il n’y avait pas de centre professionnel de sauvetage des rapaces pour les sauver. Par ailleurs, j’ai été choquée de voir des personnes bien intentionnées infliger des dommages irréparables aux animaux. J’ai assisté à un soi-disant lâcher d’oiseaux destiné à « sensibiliser le public à la protection des oiseaux ». Ce que j’ai vu, c’est la vie d’oiseaux de proie sacrifiée pour une séance photo. Six célébrités, chacune tenant un rapace chétif, se tenaient au milieu d’une foule en délire. Après avoir compté jusqu’à trois, sous les applaudissements de la foule et les flashs des appareils photo, ils ont lancé les oiseaux confus, dont quatre hiboux, dans les airs. Tous les oiseaux sont rapidement tombés sur le sol. En regardant leurs corps sans vie, j’ai senti mon cœur se briser.
C’est là que j’ai pensé : « IFAW doit avoir un modèle pour mettre en avant les normes de bien-être animal en matière de sauvetage des animaux sauvages, de réhabilitation et de remise en liberté ». À partir de ce moment-là, j’étais déterminée à faire en sorte que cela devienne une réalité.
J’ai contacté l’Université normale de Pékin (BNU), bien connue pour ses recherches ornithologiques. Les professeurs de la BNU ont accueilli l’idée avec enthousiasme. En plus d’apporter son expertise, la BNU a offert un espace dans un coin tranquille du campus au centre de Pékin. Ensemble, nous avons accompli un exploit révolutionnaire pour la Chine : le premier centre de réhabilitation de rapaces.
Vingt ans se sont écoulés en un clin d’œil, et le Centre de sauvetage des rapaces de Pékin continue de se développer et de progresser.
En 2010, nous avons obtenu notre premier appareil d’anesthésie gazeuse. Ces dernières années, les experts en réhabilitation devaient tenir les rapaces pendant qu’ils passaient des radios, et devaient parfois bouger les rapaces d’avant en arrière pour passer des radios pendant une opération. L’appareil d’anesthésie gazeuse a non seulement évité aux experts en réhabilitation de devoir porter un dispositif de protection en plomb pesant 10 kilos pendant les radios, mais il leur a également permis de traiter les rapaces de manière plus sûre et plus efficace. La même année, nous avons également progressé dans le traitement des fractures osseuses chez les rapaces, bien que les os de certains d’entre eux soient aussi fins que des cure-dents.
En 2014, des dispositifs de pulvérisation automatique ont été installés dans les enclos extérieurs pour aider les oiseaux de proie à se rafraîchir en été. Depuis, les experts en réhabilitation n’ont plus besoin de rester debout dans la chaleur étouffante en tenant des tuyaux d’eau pour refroidir manuellement les cages des oiseaux.
En 2016, nous avons acheté une table d’opération à température constante pour éviter que les oiseaux de proie ne se refroidissent pendant les opérations. Auparavant, les experts en réhabilitation devaient utiliser une bouillotte pour garder les rapaces au chaud pendant les opérations. Cette même année, nous avons également amélioré les cages des rapaces avec du bois. Dans la moitié avant de la cage, les oiseaux peuvent se voir à travers les lattes qui séparent les planches de bois, de sorte que les jeunes rapaces peuvent observer et apprendre le comportement des oiseaux adultes. La partie arrière de la cage reste entièrement fermée, ce qui permet aux oiseaux de s’isoler s’ils le souhaitent.
En plus de la mise à niveau du matériel, les experts en réhabilitation du BRRC apprennent continuellement de nouvelles compétences et appliquent les techniques de sauvetage des oiseaux les plus avancées dans leur travail quotidien. Ils offrent des traitements professionnels et des soins 24h/24 à tous les oiseaux de proie qui arrivent au centre.
Depuis que nous avons relâché notre premier hibou grand-duc il y a 20 ans, plus de 5 500 rapaces de 39 espèces différentes ont été accueillis au BRRC. Plus de 54 % d’entre eux ont retrouvé la liberté. Pour assurer leur survie à long terme, nous avons également mis en place un suivi post-remise en liberté. Un traceur GPS sur une buse de Chine relâchée le 27 mars 2018 montre qu’elle a réussi à vivre en Mongolie pendant plusieurs saisons de reproduction.
En plus de soigner individuellement les rapaces, les experts en réhabilitation du BRRC partagent leur expertise et promeuvent le bien-être animal à chaque sauvetage, dans chaque article de presse et lors de chaque événement scolaire. Ils partagent leurs expériences et leurs connaissances avec leurs homologues dans tout le pays, améliorant ainsi les normes générales de soins aux oiseaux de proie et promouvant conjointement la protection des rapaces en Chine.
Les succès du BRRC sont également attribuables à un contexte social plus respectueux de l’environnement et à un public averti qui adhère de plus en plus aux concepts de bien-être animal dans le cadre du sauvetage de la faune.
De nombreux sauveteurs ont désormais appris à prodiguer les premiers soins de base aux rapaces en détresse avant l’arrivée des experts en réhabilitation. Récemment, la gérante d’un hôtel a trouvé un hibou moyen-duc immobile à l’intérieur du bâtiment. Elle a immédiatement placé le rapace blessé dans une cage pour chat qu’elle a recouvert d’une serviette avant de la mettre dans un coin tranquille. Sa réaction rapide a permis de réduire le stress de l’animal et de faire en sorte que le hibou moyen-duc puisse retourner à la vie sauvage en peu de temps.
Au cours des premières années du BRRC, lorsque les experts en réhabilitation répondaient aux appels de sauvetage, la question qu’on leur posait le plus souvent était : « cet oiseau est-il comestible ? ». Avec la sensibilisation croissante du public à la protection des animaux, la question que nos experts entendent le plus souvent est la suivante : « Cet oiseau est-il menacé ? S’il vous plaît, essayez de lui sauver la vie. »
Au cours des 20 dernières années, le BRRC a eu un impact sur la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et sur l’amélioration des politiques de coexistence harmonieuse entre l’homme et les espèces sauvages. Nous sommes fermement convaincus que la vie sauvage devrait rester dans la nature, et nous sommes fiers de voir que notre travail influence les agences et leurs politiques en matière de vie sauvage.
Nous sommes impatients de voir ce que l’avenir réserve au BRRC et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour donner aux rapaces sauvés une seconde chance.
-Grace Ge Gabriel, Directrice Asie IFAW
Grace Ge Gabriel
« Pour assurer la survie des animaux et des humains sur cette planète, nous devons impérativement changer de comportement. »
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