Phillip Kuvawoga
La nature au cœur de l’action : des solutions naturelles pour lutter contre la sécheresse en Afrique australe
La nature au cœur de l’action : des solutions naturelles pour lutter contre la sécheresse en Afrique australe
L’Afrique australe est confrontée à une grave pénurie alimentaire en raison de l’une des sécheresses les plus extrêmes qu’ait connues la région ces dernières années.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, la sécheresse, déclenchée par El Niño, a ravagé la saison agricole 2023-2024, plaçant plus de 61 millions de personnes dans une situation d’aide alimentaire d’urgence dès le mois de mai 2024.
À l’instar de ce qui se passe au niveau mondial, la région est prise au piège dans une spirale de crises climatiques qui se suivent et se ressemblent. Par exemple, en mars 2023, le Malawi, le Mozambique et Madagascar ont été frappés par le cyclone Freddy, qui a tué des milliers de personnes, en a déplacé des centaines de milliers d’autres et a ravagé des centaines de milliers d’hectares de cultures.
Quand la sécheresse actuelle a frappé, ces communautés ne s’étaient pas remises des conséquences du cyclone Freddy et d’une série d’autres catastrophes naturelles survenues au cours de la dernière décennie.
Plus inquiétant encore, la science montre que ces catastrophes climatiques continueront à se produire avec une fréquence et une gravité accrues.
Alors que ces catastrophes empêchent les communautés de s’en sortir, la protection de la biodiversité en souffre.
Quand les communautés qui dépendent principalement de l’agriculture pour leur subsistance voient leurs récoltes brûlées par la sécheresse ou balayées par les inondations, elles se tournent vers d’autres moyens de survie, notamment le braconnage et l’empiètement sur les zones protégées afin d’extraire des ressources pour se nourrir ou survivre.
Réciproquement, comme l’explique Phillip Kuvawoga, directeur conservation des habitats chez IFAW, en Afrique australe, ces catastrophes naturelles aggravent les conflits entre les humains et la faune, car les animaux quittent les zones protégées à la recherche de nourriture et d’eau, ce qui a des répercussions négatives sur une population déjà en proie à l’insécurité alimentaire.
Intégrer la nature dans les solutions climatiques
Les effets des catastrophes climatiques sur la conservation de la faune sont un défi. Néanmoins, ils soulignent de plus en plus la nécessité d’adopter des approches efficaces pour rendre les moyens de subsistance des populations et la conservation de la faune résistants au changement climatique. Ce lien entre la crise climatique, le bien-être humain et la conservation de la biodiversité plaide en faveur de solutions fondées sur la nature.
IFAW a défendu cette approche lors de la COP28 à Dubaï en décembre 2023, où nous avons également dévoilé un rapport précisant ce que les solutions fondées sur la nature peuvent accomplir pour le climat, la biodiversité et les communautés.
IFAW affirme que les solutions fondées sur la nature placent cette dernière au cœur de l’action climatique. Elles prouvent que la nature n’est pas seulement une victime du changement climatique, mais aussi une alliée puissante dans la lutte de l’humanité pour guérir la Terre de cette crise.
Exploiter les solutions fondées sur la nature signifie s’attaquer au changement climatique induit par l’humain tout en mettant fin à la perte de biodiversité, en restaurant les écosystèmes et en protégeant les populations d’animaux sauvages.
Les scientifiques soutiennent cette approche. Dans une étude publiée dans Nature en mars 2023, les chercheurs ont observé que certains groupes considèrent que les solutions climatiques comme la capture et le stockage du carbone présentent l’avantage supplémentaire de protéger les habitats et les paysages afin de préserver la diversité des espèces animales. Cependant, les 15 scientifiques affirment que ce raisonnement sous-estime le rôle des animaux sauvages dans le contrôle du cycle du carbone.
Protéger et restaurer les populations d’animaux et les fonctions de leurs écosystèmes peut améliorer la capture et le stockage naturels du carbone.
À titre d’illustration, ils observent que lorsqu’une épidémie de peste bovine a anéanti la population de gnous dans les plaines du Serengeti, au Kenya, entre les années 1930 et 1960, l’herbe que les animaux broutaient habituellement s’est transformée en combustible. Cela a entraîné des incendies de forêt plus fréquents et plus intenses dans l’écosystème du Serengeti et a libéré du carbone dans l’atmosphère.
Depuis le rétablissement de la population de gnous, le Serengeti a absorbé environ 4,4 millions de tonnes de carbone supplémentaires par an.
Les chercheurs appellent donc à « une nouvelle réflexion qui inclut le rétablissement et la conservation des animaux sauvages et leur rôle dans l’écosystème en tant qu’élément clé des solutions naturelles au problème du climat ».
Un appel à l’action climatique
IFAW plaide pour une meilleure intégration de la conservation des espèces sauvages dans les plans d’action sur le climat.
Les actions visant à restaurer les paysages dégradés ne doivent pas être privilégiées au détriment des actions de protection et de conservation des écosystèmes et de la biodiversité existants. Ces actions doivent également tenir compte de l’importance de la faune et de sa conservation pour la capture du carbone et l’adaptation au climat.
Ces mesures ne pourront être mises en œuvre avec succès que si elles bénéficient d’un financement adéquat. IFAW demande donc à la communauté financière internationale de reconnaître les preuves scientifiques démontrant que les activités de conservation de la faune peuvent contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets.
En outre, l’organisation est convaincue qu’il est possible de réaliser beaucoup en donnant aux communautés les moyens de mettre en œuvre des solutions fondées sur la nature pour assurer leur subsistance. C’est pourquoi, en collaboration avec des partenaires comme COMACO (Marchés communautaires pour la conservation) et des petits exploitants agricoles, IFAW encourage des pratiques telles que l’agroforesterie, l’aménagement du territoire et la gestion des forêts par la régénération naturelle, ainsi que l’apiculture et la transformation du miel dans les communautés de la Zone de conservation transfrontalière Malawi-Zambie.
Les solutions fondées sur la nature permettent en effet à la faune et aux humains de mieux résister aux effets du climat.
Comme le dit Phillip Kuvawoga, il faut une « approche intégrée et globale pour soutenir les paysages et les communautés résilientes face au climat ».
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