Mia Crnojevic
Ukraine : sauver des animaux, sauver des humains
Ukraine : sauver des animaux, sauver des humains
Je reviens d'une semaine de mission à Medyka, point de passage piétonnier à la frontière entre l'Ukraine et la Pologne, où IFAW a géré une unité de soins pour les animaux pendant environ deux mois. Nous étions sur place pour répondre aux besoins en soins, en matériel et en nourriture des réfugiés obligés de fuir leur foyer avec leurs animaux domestiques pour tenter de se mettre à l'abri des bombardements insensés qui détruisent sans discrimination tout ce qu'ils ont connu en Ukraine.
C'était une expérience surréaliste. Ces personnes arrivaient chargées des maigres possessions qu'elles avaient réussi à sauver, parfois dans de simples sacs en plastique. Plusieurs s'accrochaient à leurs animaux de compagnie transportés dans des caisses de fortune bricolées à la va-vite. Les gens étaient épuisés, soulagés autant qu'émus, mais face à tout ce traumatisme, ils restaient stoïques et puisaient on ne sait où une force dépassant l'entendement. Ils sont une véritable source de motivation, tout comme les infatigables bénévoles qui traversaient sans relâche la frontière pour accompagner ces réfugiés ayant apparemment tout perdu, les aider à porter leurs bagages ou même leurs enfants, et offrir tout le confort possible à des étrangers implorant en silence un peu d'empathie humaine.
La situation était extrêmement émouvante et plus d'une fois, j'ai fondu en larmes en voyant les membres d'une famille se retrouver. J'ai vu leur regard perdu et leur gratitude sincère pour l'aide que nous leur apportions dans ce cauchemar en les rassurant sur l'état de santé de leurs amis à quatre pattes.
Soulager la douleur des personnes qui passent la frontière avec leurs animaux
Ces scènes ont fait remonter des souvenirs profondément enfouis en moi, lorsqu'à cinq ans, j'ai fui ma Croatie natale, l'ex-Yougoslavie déchirée par la guerre. Parmi la multitude d'émotions qui ont refait surface, la plus forte est le regret d'avoir dû abandonner mon petit chien Bobby qui ne pouvait pas nous accompagner. J'ai eu la chance de pouvoir le laisser chez mon oncle où il allait vivre heureux, et surtout de pouvoir le retrouver huit ans plus tard. Néanmoins, la séparation a été douloureuse et a ajouté à mes souffrances, à l'époque. Les mots ne suffisent pas pour décrire quel honneur c'est pour moi, 30 ans plus tard, de faire partie d'une équipe qui peut contribuer à soulager la douleur des personnes qui passent la frontière avec leurs animaux. Pour beaucoup, ceux-ci leur permettent tout simplement de tenir le coup. La manière dont elles s'accrochent à leurs compagnons est plus éloquente que tous les discours.
Les retrouvailles d’un chien ukrainien avec sa famille
Entre les récits de tragédies, nous avons vu passer quelques rayons d'espoir. J'ai eu le bonheur d'assister à l'arrivée de Dino, l'adorable chien qui venait de retrouver ses propriétaires après deux mois de séparation. La nuit où l'invasion a commencé, ceux-ci n’étaient pas chez eux et avaient laissé Dino chez un ami. Quelques nuits plus tard, réveillés par les bombardements, ils ont dû fuir vers l'ouest avec leurs deux jeunes enfants en sachant qu'ils ne pouvaient pas courir le risque d'aller chercher leur précieux Dino. Deux mois plus tard, ils ont organisé le voyage du chien vers la frontière, avec plusieurs heures de trajet en car ; Anna, sa propriétaire, est retournée en Ukraine pour le récupérer. Pendant ce temps, son époux ne pouvait rien faire d'autre que tourner en rond près de notre tente, conscient que s'il repassait la frontière ukrainienne, il n'aurait pas l'autorisation de repartir, puisque tous les hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans doivent rester sur le territoire national pour se battre.
Une fois qu'Anna a retrouvé Dino, elle et son mari ont continué leur voyage en Pologne pour rejoindre leurs enfants. Enfin la famille était réunie. Leur histoire et leurs retrouvailles font vraiment chaud au cœur, et j'espère qu'ils vont désormais vivre heureux et en sécurité.
Pour beaucoup d'autres, l'histoire ne se déroule pas aussi bien. J’espère que ces personnes trouveront du réconfort dans la perspective d'un nouveau départ, en espérant qu'elles pourront refaire leur vie tout comme ma famille l'a fait à l'époque. Je remercierai toujours mes parents d'avoir eu le courage et la force de persévérer et de m'offrir un avenir sûr, loin des horreurs de la guerre.
-- Mia Crnojevic, Chargée de campagnes IFAW France
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