Combattre le commerce illégal d’espèces sauvages - Écosystème du Grand Virunga
Renforcer la participation communautaire au-delà des frontièresdes volontaires participent à la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages en Ouganda et en RDC
des volontaires participent à la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages en Ouganda et en RDC
En mars 2021, le chauffeur d’un opérateur de safaris aperçoit des vautours volant en cercles au-dessus du parc national Queen Elizabeth, en Ouganda. Intrigué, il dévie de sa route pour aller voir de quoi il en retourne, pensant qu’un lion a sans doute tué un animal. Au lieu de cela, il découvre six cadavres de lions, démembrés et en état de décomposition.
Ces lions avaient été empoisonnés par des braconniers, qui leur avaient prélevé des parties du corps pour les vendre sur le marché noir.
Avec ses immenses étendues de savane, le parc national Queen Elizabeth, en Ouganda, à l’est du lac Edouard, est célèbre pour son importante population de lions grimpeurs d’arbres. Classés en tant qu’espèce vulnérable sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les lions sont aujourd’hui protégés et sont normalement en sécurité dans la zone de conservation du parc.
De plus, les lions favorisent le tourisme au sein du parc, ce qui contribue aux moyens de subsistance des communautés environnantes. Alors que le secteur du tourisme a déjà été fortement impacté par la pandémie de COVID, la mort de ces lions menace non seulement l’espèce et son écosystème, mais aussi les communautés humaines qui en dépendent.
résolution du crime
Les renseignements obtenus et l’enquête menée avec l’aide d’informateurs communautaires, dont certains travaillent avec le service de renseignements du parc, a permis de déterminer que ces lions ont été empoisonnés par des membres de la communauté.
Quatre suspects identifiés par les informateurs communautaires ont été arrêtés par les forces de l'ordre. Au moment de leur arrestation, des têtes, des griffes et de la graisse de lions ont été retrouvés à leur domicile. L'un des suspects était également en possession de deux peaux de lion, de 40 épines de porc-épic, d’un filet de chasse et d’une balle d’AK47. Deux suspects ont été acquittés ; les deux autres ont été reconnus coupables et ont été condamnés à 7 ans de prison.
De nombreux informateurs ont fourni des renseignements qui ont permis d’éclaircir cette affaire. L’un d’eux fait partie d'un groupe communautaire local soutenu par IFAW pour collecter et transmettre des renseignements opportuns sur les activités de braconnage. Ces observateurs locaux collaborent étroitement – et en toute discrétion – avec l'unité de renseignements du parc, afin de contribuer à la lutte contre le braconnage et le trafic d'espèces sauvages.
des volontaires formés à la protection de la faune sauvage
Le parcours de ces observateurs communautaires a commencé en décembre 2020, lorsqu’IFAW et l'Uganda Wildlife Authority ont sélectionné dix membres de communautés situées à proximité de points chauds du braconnage et du trafic d’espèces sauvages, dans le but de les former à la protection de la faune sauvage. Les dix personnes sélectionnées ont suivi une formation de deux jours afin d’acquérir les compétences et les outils dont elles auraient besoin pour contribuer à la protection d’écosystèmes critiques et de la biodiversité.
Cette formation leur a appris à recueillir des informations sur la criminalité liée aux espèces sauvages et à identifier les espèces vulnérables, afin de pouvoir indiquer avec précision à quelle espèce appartiennent les animaux tués ou qui font l’objet d’un trafic.
La direction du parc a accueilli cette initiative avec beaucoup d’enthousiasme, car la pandémie a réduit les ressources disponibles pour effectuer des patrouilles au sein de la zone protégée. En devenant « les yeux et les oreilles » des enquêteurs sur les crimes liés à la faune sauvage, les volontaires communautaires jouent désormais un rôle crucial, en permettant aux écogardes de réaliser des patrouilles ciblées et fondées sur des renseignements précis, ce qui est à la fois moins coûteux et plus efficace.
traquer les braconniers
« Les volontaires jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le braconnage et le trafic, car les personnes impliquées dans la criminalité liée aux espèces sauvages séjournent dans leurs communautés, ce qui permet aux volontaires de fournir des renseignements précis », explique Moses Olinga, responsable de programme d'IFAW pour l'Ouganda et la Corne de l'Afrique.
Certains volontaires disposaient déjà d’une compréhension particulièrement fine des réseaux de braconnage. « Ces volontaires s’engagent parce qu'ils souhaitent contribuer à la conservation du parc. Certains sont d'anciens braconniers qui ont connu la prison ou survécu à des attaques d’animaux. De toutes leurs années en tant que braconniers, ils n'ont retiré aucun avantage dont ils puissent avoir la moindre fierté. Ils ont finalement estimé qu’il leur serait plus avantageux de soutenir le parc », explique Moses.
Cette initiative a immédiatement porté ses fruits. Peu après leur formation, les observateurs communautaires ont en effet signalé la présence de collets métalliques destinés à piéger du gros gibier, comme des hippopotames ou des buffles. Grâce à ces informations, les écogardes ont pu retirer six pièges et arrêter un braconnier tout juste entré dans le parc, avant qu'il n'ait eu le temps d'utiliser les lances, la machette panga et les pièges métalliques qu'il transportait sur lui. L’action efficace des observateurs communautaires a encouragé la direction du parc à former deux personnes supplémentaires, ce qui porte aujourd’hui le nombre d’observateurs à douze.
un engagement risqué
Sur la rive opposée du lac Édouard se trouve une autre zone faunique extraordinaire : le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo. Ce parc, qui est le plus ancien parc national d’Afrique et la zone protégée la plus riche en biodiversité sur le continent africain, abrite environ un tiers des gorilles de montagne de la planète.
Mais le parc national des Virunga est également gangréné par plusieurs milices qui se livrent à un conflit sanglant, financé par l’exploitation minière illégale, la pêche illégale, l'exploitation forestière illégale, le braconnage et les trafics.
Ce qui est tragique, c’est que les animaux rares et menacés rapportent beaucoup d'argent, qu'ils soient vivants – comme les 122 perroquets gris d'Afrique confisqués à un trafiquant à la frontière entre l'Ouganda et la RDC, à Kisoro, en avril 2022 – ou tués pour leur viande, leur peau, leurs défenses, leurs huiles ou leurs dents. Un litre d'huile d'okapi, par exemple, se négocie jusque 50 000 dollars sur le marché noir en République démocratique du Congo. Une peau d'okapi peut atteindre 10 000 dollars.
Une caisse de perroquets gris d'Afrique introduits clandestinement en Ouganda par un ressortissant congolais. Ces perroquets seront réhabilités et relâchés dans la nature.
une économie de guerre
La direction du parc national des Virunga qualifie le trafic illégal de ressources et le braconnage de véritable « économie de guerre, dont la valeur est estimée à 170 millions de dollars par an ». Or, la lutte contre ce fléau coûte bien plus que de l'argent. Plus de 200 gardes du parc ont été assassinés ces vingt dernières années, ainsi que plusieurs avocats et représentants de la justice. Ces personnes ont sacrifié leur vie pour protéger la faune, les écosystèmes et les communautés du parc.
L’antenne néerlandaise de l’UICN, partenaire d'IFAW, a également formé plusieurs volontaires dans le parc national Queen Elizabeth. Appelés « détecteurs communautaires », ces observateurs collectent des données sur les problèmes de sécurité, les cas de braconnage et d'autres incidents liés à l'environnement. L’antenne néerlandaise de l'UICN analyse les rapports hebdomadaires de ces observateurs et transmet tout renseignement utile au parc national des Virunga. Grâce à ce travail et à d'autres activités, les autorités du parc ont pu localiser et démanteler deux camps de miliciens, déjouer des attaques visant des employés du parc, et arrêter un célèbre braconnier d'éléphants et d'hippopotames qui échappait à la justice depuis des années.
D’après Moses, les volontaires se disent « à la fois fiers et inquiets : fiers de contribuer à la gestion du parc, mais aussi inquiets pour leur propre sécurité ».
vue d’ensemble
Les efforts déployés par IFAW pour lutter contre le braconnage et les trafics dans le parc Queen Elizabeth et le parc des Virunga tiennent compte de l’interconnexion de ces deux espaces. En effet, bien qu'une frontière nationale les sépare, ces deux parcs sont reliés par la terre et par le lac Édouard, de sorte que les animaux – et parfois les braconniers – migrent librement de part et d'autre de la frontière. « Le flux génétique entre les animaux des deux parcs permet d’augmenter les chances de survie future des espèces. C'est pour cela qu’il est si important de les protéger », explique Moses.
Ce projet, soutenu par le Bureau des affaires internationales relatives aux stupéfiants et à l’application de la loi (INL), a permis de renforcer la collaboration entre les autorités des deux parcs et de développer les capacités d’investigation, de fonctionnement et de poursuites des personnes impliquées dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages au sein du parc national Queen Elizabeth, y compris nos héroïques volontaires communautaires. Grâce à cette initiative et à d'autres programmes, le braconnage et le trafic d'éléphants, de pangolins et d'hippopotames ont considérablement diminué au sein du parc.
Bien que le projet soit officiellement terminé depuis septembre 2022, IFAW continue de soutenir les observateurs communautaires en Ouganda, en leur fournissant du matériel et des formations, en organisant des réunions trimestrielles de planification, d’analyse et de partage d’informations entre les deux parcs, ainsi qu’en coordonnant des patrouilles le long de la frontière commune.
La lutte pour la protection des espèces sauvages et des communautés environnantes est loin d'être terminée.
quelques affaires récentes…
Les renseignements fournis par les volontaires ont débouché sur plusieurs arrestations et ont permis aux forces de l'ordre de saisir un nombre considérable de produits illicites issus d'espèces sauvages. En voici quelques exemples récents.
- Novembre 2021 : cinq suspects sont arrêtés en possession de 700 kg de viande d'hippopotame et de trois machettes panga. Ils révèleront également l'emplacement d'un fusil d'assaut et de munitions qu'ils avaient utilisés.
- 17 décembre 2021 : un soldat est arrêté alors qu'il tentait de vendre des dents d'hippopotame.
- 18 décembre 2021 : un suspect est arrêté en possession de 2 kg d'ivoire, de trois peaux de colobes guéréza, de deux peaux de civettes, d'une queue de buffle et d'une corne de buffle.
- 19 décembre 2021 : trois suspects sont arrêtés en possession de plus de 50 kg de viande de buffle séchée.
- 23 mars 2022 : six suspects sont arrêtés en possession d'une centaine poissons et de six harpons utilisés pour la pêche illégale dans les zones piscicoles. Les pêcheurs illégaux aident souvent les braconniers, en leur indiquant où trouver des hippopotames.
- 5 février 2022 : deux suspects sont arrêtés en possession de 32 dents d'hippopotames, d'une paire de cornes de buffles et de ce qui semblait être un placenta d'éléphant. Le placenta d'éléphant est transformé en soupe et utilisé dans la médecine traditionnelle pour augmenter la fertilité des femmes.
- 12 mars 2022 : un suspect est arrêté en possession de trois peaux de pangolin et 10 kg de viande d’hylochère.
- Août à octobre 2022 : treize suspects sont arrêtés en possession de deux armes à feux et d’une tonne de viande d’hippopotame.
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