Sheryl Fink
chasse commerciale aux phoques au Canada en 2022 : un printemps de douleurs ou des solutions durables ?
chasse commerciale aux phoques au Canada en 2022 : un printemps de douleurs ou des solutions durables ?
Il y a un trouble solennel qui m’enveloppe à cette époque de l’année, et ce depuis deux décennies. Chaque nouvelle année appelle une tradition récurrente qu’il vaut mieux laisser dans le passé mais qui se perpétue obstinément jusqu’à aujourd’hui : la chasse commerciale aux phoques canadienne.
J’ai déjà appris que la chasse aux phoques commerciale aux Îles-de-la-Madeleine a débuté la semaine dernière, ce qui indique que la partie principale de la chasse aux phoques commerciale du Canada au large des côtes de Terre-Neuve commencera dans quelques semaines. Bien que reconnaissante des progrès réalisés au cours des dernières années pour réduire l’ampleur de la chasse, c’est un rappel récurrent qu’il reste beaucoup à faire.
Histoire de la chasse aux phoques
IFAW lutte pour mettre fin à la chasse commerciale aux phoques au Canada depuis 1969, quand Brian Davies a fondé l’organisation. Notre première grande victoire date de 1983, lorsque l’Europe a interdit l’importation des peaux de blanchons de phoques du Groenland et de phoques à capuchon. Suite à la pression continue du public et à la menace d’un boycott des produits de la mer canadiens mené par IFAW, le Canada a interdit la chasse des blanchons en 1987. Ainsi, l’industrie de la chasse aux phoques était pratiquement éteinte.
Tout a rapidement changé quand l’industrie de la pêche au cabillaud dans l’Atlantique nord-ouest s’est effondrée au début des années 1990, mettant des dizaines de milliers de pêcheurs au chômage. Voyant une opportunité politique d’accuser les phoques de la disparition du cabillaud (une théorie scientifiquement démentie à maintes reprises), le gouvernement canadien a augmenté les quotas pour les phoques du Groenland et a introduit des subventions pour relancer l’industrie moribonde de la chasse aux phoques. Avec la possibilité de capturer 400 000 animaux, la chasse commerciale aux phoques au Canada est devenue le plus important massacre de mammifères marins au monde, coûtant des centaines de millions de dollars aux contribuables canadiens.
La chasse aux phoques aujourd’hui
L’absence de demande pour les produits dérivés du phoque, l’évolution des conditions climatiques et les actions menées par l’industrie de la chasse aux phoques elle-même ont toutes joué un rôle dans la réduction drastique de la chasse commerciale aux niveaux observés à la fin des années 1980. Néanmoins, chaque printemps voit arriver des bébés phoques du Groenland et, pour un trop grand nombre d’entre eux, le massacre qui s’ensuit. Contrairement aux années passées, les conditions de glace de cette année semblent avoir été favorables aux mères phoques du Groenland pour donner naissance à leurs petits dans le golfe du Saint-Laurent. Selon les rapports, les phoques peuvent facilement être vus dans un rayon de 5 km à partir des côtes. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle, l’augmentation de la glace implique également une triste réalité : l’accès facile à ces petits par les chasseurs terrestres. Des dizaines de milliers de bébés phoques risquent de perdre la vie de manière tragique, quelques semaines seulement après leur naissance.
Le gouvernement fédéral fournit encore activement l’emplacement des troupeaux de phoques à ces mêmes chasseurs, ainsi qu’un soutien financier à l’industrie de la chasse aux phoques pour la promotion des produits dérivés du phoque ainsi que le développement du marché. Plusieurs projets soutenus par le gouvernement sont également en cours aux Îles-de-la-Madeleine cette année, même si, heureusement, la plupart d’entre eux semblent être de plus petite envergure et visent à utiliser pleinement les animaux tués, un changement radical par rapport à 2013, lorsque les chasseurs ont gaspillé les peaux de 6 000 phoques tués en les jetant par-dessus bord ou en les laissant sur la glace.
La chasse aux phoques en 2022 : que faut-il espérer ?
Il reste à voir comment l’industrie de la chasse aux phoques s’en sortira dans l’ensemble. Malgré le soutien financier continu du gouvernement canadien, le marché mondial des produits dérivés du phoque reste rare, la valeur au débarquement d’une peau de phoque n’atteignant que 27 dollars canadiens (20€) par peau, ce qui est loin des prix qui atteignaient autrefois 102 dollars canadiens (75€). Les marchés des produits dérivés du phoque sont en forte baisse depuis 2006, avec peu d’espoir de relance. Sans les subventions gouvernementales et le soutien politique permanents, il semble évident que sur le plan commercial, cette industrie a fait son temps.
Au-delà de l’aspect économique, et peut-être plus préoccupant encore, il y a les appels lancés par le syndicat des pêcheurs de Terre-Neuve (et les politiciens sous leur influence) en faveur d’un abattage massif de phoques au large de la côte est du Canada. La plainte habituelle : il y a trop de phoques qui mangent trop de poissons. Mais, rassurez-vous, il n’y a pas de surpopulation de phoques. Les phoques, les poissons et les autres créatures marines coexistent depuis des millénaires sans qu’il soit nécessaire de recourir à une « gestion » par l’homme. Les allégations de surpopulation de phoques choisissent délibérément (et commodément) comme base de référence les estimations les plus basses de la population de phoques jamais observées (généralement le début des années 1970). Les populations de phoques du Groenland du Canada atlantique se rétablissent, et ne sont pas en train d’« exploser », tandis que l’évolution des conditions de glace continue d’ajouter de l’incertitude à l’avenir des phoques.
Après des décennies d’études visant à établir un lien entre la prédation par les phoques et le déclin des stocks de cabillaud, nous disposons désormais de nombreuses preuves scientifiques indiquant que la prédation par les phoques du Groenland n’est pas responsable de l’effondrement des stocks de cabillaud de l’Atlantique. Il est certain que les phoques n’empêchent pas la reconstitution des stocks de cabillaud et qu’un abattage des phoques ne contribuerait pas à cette reconstitution. Les fausses informations suggérant le contraire sont encore monnaie courante, mais les données scientifiques sur ce sujet sont très claires.
Peut-être ignorant les décennies de science halieutique sur cette question, Clifford Small, un nouveau membre du Parlement de Terre-Neuve, a présenté un projet de loi demandant un programme fédéral de contrôle des phoques. L’ingérence et les tensions politiques dans l’application de la science halieutique canadienne sont presque aussi traditionnelles au Canada que la chasse aux phoques elle-même.
Un appel à des solutions durables
La question reste donc posée : le gouvernement du Canada va-t-il céder aux exigences de l’industrie de la pêche et maintenir le Canada dans le passé en autorisant un abattage de phoques risqué et non scientifique ? Continueront-ils à gaspiller des millions de dollars dans le but de relancer une industrie de produits dérivés du phoque inutiles et non désirés ? Ou vont-ils soutenir les initiatives environnementales dont le Canada atlantique a désespérément besoin et qui pourraient faire de l’enlèvement des débris plastiques marins et des engins fantômes une industrie économiquement viable ?
-Sheryl Fink, Directrice Campagnes IFAW Canada
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