Comment utiliser l’intelligence artificielle pour lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages ?
Comment utiliser l’intelligence artificielle pour lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages ?
14 août 2023
Le trafic d’espèces sauvages est la quatrième activité criminelle la plus répandue à travers le monde, après les trafics de drogue, d’êtres humains et d’armes. Beaucoup d’animaux trafiqués vivants sont des espèces menacées ou en danger d’extinction, pour qui la vigilance des officiers de première ligne postés dans les aéroports, aux frontières nationales et dans les ports maritimes représente souvent le dernier espoir d’être sauvés et renvoyés dans leur milieu naturel.
Mais ces sauvetages relèvent en grande partie du hasard et des circonstances. Compte tenu de l’énorme volume de marchandises que les officiers de première ligne voient passer chaque jour, la sélection des caisses à ouvrir et à examiner est une formalité de routine, si bien que celles qui contiennent effectivement des animaux vivants peuvent facilement passer entre les mailles du filet et ne pas être ouvertes.
Une approche plus méthodique serait donc nécessaire, afin que les officiers sachent quand et où ils ont le plus de chances de tomber sur des marchandises dans lesquelles sont dissimulés des animaux sauvages relevant du commerce illicite.
Pour cela, l’intelligence artificielle (IA) représente une solution possible.
Entraîner l’IA grâce aux données
Comme les officiers de première ligne n’ont pas la possibilité de fouiller toutes les marchandises qui transitent par les aéroports ou traversent les frontières internationales, l’IA pourrait leur permettre de connaître les postes de contrôle et les moments de la journée où le passage d’animaux sauvages relevant du commerce illicite est le plus probable.
Pour ce faire, les outils d’IA doivent « apprendre », en collectant et en analysant de nombreuses données. Ces données peuvent être tirées de rapports de renseignements, de saisies effectuées par les forces de police aux frontières, ou encore de contrôles de routine réalisés au quotidien sur le terrain par les forces de l’ordre. Il peut également s’agir de données provenant de sources ouvertes (par exemple, de sociétés de transport) ou de données complémentaires provenant d’ONG et d’universités, par exemple sur les schémas saisonniers propres à certaines espèces et sur les itinéraires les plus couramment empruntés par les trafiquants. Enfin, les retours d’information des personnes participant à des tests de nouveaux outils technologiques sur le terrain peuvent également être utilisés pour enrichir et perfectionner l’IA.
L’objectif de cette mécanique d’apprentissage est de créer un cercle vertueux : les données alimentent l’IA et la rendent plus performante, ce qui aide les forces de police à arrêter davantage de trafiquants d’espèces sauvages, permettant ainsi d’obtenir des données plus pertinentes desquelles l’IA peut continuer d’apprendre afin de se perfectionner et d’affiner toujours plus ses prédictions.
L’IA en action
Les outils d’IA pourraient nous permettre de concentrer nos ressources de lutte contre le trafic d’espèces sauvages aux endroits les plus pertinents et aux moments les plus opportuns. Ainsi, nous pourrions renforcer les effectifs présents aux postes de contrôle les plus concernés par le trafic d’espèces sauvages, en particulier aux moments de la journée auxquels sont plus susceptibles de passer des trafiquants d’espèces sauvages.
Tout comme de nombreux autres outils d’IA, les outils de lutte contre le trafic d’espèces sauvages pourraient se présenter sous la forme d’applications mobile, avec des fonctionnalités telles que des cartes qui indiqueraient aux gardes et aux agents des forces de l’ordre les circuits précis que sont les plus susceptibles d’emprunter les trafiquants d’espèces sauvages.
Si l’IA n’est pas encore utilisée dans des outils pratiques destinés aux officiers de première ligne qui luttent sur le terrain contre le trafic d’espèces sauvages, elle est en revanche déjà en usage pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages en ligne. Lorsque des animaux sont commercialisés illégalement en ligne et que des utilisateurs téléchargent des photos de ces animaux, les outils d’IA peuvent rechercher ces images sur Internet et signaler les annonces suspectes, les comptes suspects, ainsi que d’autres renseignements pertinents en lien avec le trafic d’espèces sauvages.
Freins à l’adoption
Si l’IA est aujourd’hui à la mode, il convient toutefois de garder en tête que le développement d’une technologie d’IA nécessite un important investissement en ressources et en temps, ainsi qu’un solide soutien politique et un niveau d’expertise élevé.
Les outils d’IA exigent des tests et des opérations pilote coûteuses. Avant d’investir des dizaines de milliers d’euros – voire plus encore – dans le développement d’un outil d’IA, il est donc important de s’assurer de son efficacité.
Les officiers de première ligne chargés de la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages manquent déjà de fonds et d’équipements adéquats pour mener à bien leur travail sur le terrain. Dès lors, il peut s’avérer inefficace d’investir dans des technologies d’IA si les ces lacunes actuelles ne sont pas préalablement comblées.
En outre, les outils d’IA ont besoin de temps et de nombreuses données pour devenir efficaces. Or, les données disponibles sur le trafic d’espèces sauvages sont actuellement insuffisantes.
Privilégier la formation et l’équipement
Il est fort difficile de prédire avec exactitude à quoi ressemblera l’avenir de l’IA. Nous savons cependant que, même si elles ne seront jamais parfaites, les technologies d’IA deviendront probablement de plus en plus précises au fil du temps. Si nous ne pouvons pas prédire le comportement humain avec une précision absolue, nous pouvons en revanche mieux exploiter les probabilités au service de la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, qui représente l’une des plus lourdes menaces auxquelles sont aujourd’hui confrontés les animaux sauvages de notre planète.
Gardons toutefois à l’esprit que l’IA ne constitue pas un remède magique contre le trafic d’espèces sauvages, mais seulement une composante possible d’une solution nécessairement pluridimensionnelle. À mesure que l’IA se développe, de nombreuses actions sont cependant à notre portée pour venir en aide aux animaux victimes du commerce illicite d’espèces sauvages. Outre le plaidoyer en faveur d’un durcissement des politiques et des restrictions relatives au trafic d’espèces sauvages, ainsi que la diminution de la demande pour ces animaux, il est absolument nécessaire de renforcer les moyens alloués à la formation, à l’équipement et aux autres besoins des officiers de première ligne et des gardes qui œuvrent chaque jour contre ce problème sur le terrain.
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