Financement de la conservation : un guide complet
Financement de la conservation : un guide complet
Il ne faut pas se voiler la face : la santé de notre planète est menacée. L’activité humaine détériore les écosystèmes et alimente le changement climatique à raison de 0,2°C par décennie. Pour résoudre cette crise urgente, il faut plus qu’une simple prise de conscience. Nous avons besoin de financer la conservation.
Si les investissements « verts » sont en hausse, nous sommes encore loin de l’objectif de 4,1 trillions de dollars pour 2050 fixé par l’ONU. On estime qu’il faut investir au moins 598 milliards de dollars par an dans la conservation d’ici à 2030 pour renverser la perte de biodiversité. C’est pourquoi les financements publics traditionnels ne suffisent pas à faire face à l’ampleur du problème. Au lieu de cela, nous avons besoin d’un financement de la conservation qui puise dans les investissements du secteur privé et développe de nouveaux modèles de financement pour combler ce déficit.

IFAW est une organisation de conservation et de sauvetage présente dans le monde entier pour préserver et protéger les espèces sauvages et leurs habitats. Découvrez notre travail et comment agir.
Dans ce blog, nous étudions le financement de la conservation, les différentes sources de financement et son rôle pour rendre durable financièrement la protection de l’environnement.
Qu’est-ce que le financement de la conservation de la vie sauvage ?
Notre planète fournit de l’air et de l’eau purs, un climat stable et d’innombrables autres ressources naturelles qui sont à la base de nos vies et de nos économies. Mais qui est responsable financièrement de la préservation de cet équilibre ? Qui paie pour ces ressources et le coût des négligences dont elles font l’objet ?
Le financement de la conservation s’attaque à ce dilemme en permettant de rentabiliser la protection de la nature. Son objectif est d’encourager tout le monde, des gouvernements aux entreprises privées, à s’engager.
Les subventions publiques représentent actuellement 80 % du financement de la conservation, mais des modèles basés sur le marché sont également nécessaires pour combler le déficit. Voici quelques exemples :
- Échanges dette-nature : les pays en développement peuvent consacrer des terres à la conservation en échange d’un allègement de leur dette extérieure.
- Paiements des services écosystémiques : les propriétaires fonciers qui gèrent leurs terres de manière durable peuvent recevoir des subventions de la part des entreprises ou des gouvernements.
- Investissement à impact : Les investisseurs peuvent choisir d’investir dans des projets rentables qui ont un impact positif sur l’environnement.
Comment est né le financement de la conservation ?
La valeur de forêts en bonne santé et de la biodiversité est rarement prise en compte dans les décisions des entreprises. Elles sont largement considérées comme des externalités, c’est-à-dire des coûts que quelqu’un d’autre devrait supporter.
Le financement de la conservation inverse ce scénario. Il considère la nature comme un capital naturel, un actif économique vital, au même titre que les infrastructures ou les machines. Ainsi, les gouvernements et les entreprises sont encouragés à investir dans la nature afin d’assurer la pérennité de leurs activités et de bénéficier d’avantages à long terme, comme la réduction des coûts de traitement de l’eau et la résilience des chaînes d’approvisionnement. Et cette approche fonctionne. De plus en plus de pays intègrent la nature dans leurs plans économiques et les initiatives privées gagnent du terrain.
Comment les secteurs public et privé sont-ils impliqués dans le financement de la conservation ?
Le « financement de la conservation » peut se référer à la fois à l’argent reçu des subventions et du public et aux investissements qui nécessitent un remboursement ou un retour. Si les dons philanthropiques et les subventions publiques sont extrêmement importants pour la conservation, le soutien des investisseurs privés est également indispensable.
Le financement de la conservation se divise en quatre catégories : les subventions publiques, les subventions et dons caritatifs, les flux de trésorerie (revenus gagnés) provenant de projets de conservation et les investissements à but lucratif.
Découvrez plus en détail ces quatre sources clés de financement de la conservation :
Subventions publiques
Ce sont les subventions publiques qui financent la majorité des initiatives de conservation dans le monde.
Aux États-Unis, le gouvernement dépense davantage pour l’environnement aujourd’hui qu’il ne l’a fait par le passé. Chaque année, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement attribue 4 milliards de dollars à des projets écologiques. Les efforts récents du gouvernement fédéral sont notamment plus concentrés localement. Par exemple, la Loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) soutient les projets communautaires d’énergie propre, de justice environnementale et de résilience climatique. De plus en plus de collectivités locales et d’États émettent également des obligations et/ou prélèvent des taxes pour financer les efforts de conservation.
Le Royaume-Uni stimule les entreprises vertes en leur accordant des subventions à hauteur de 5 milliards de livres afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Subventions et dons caritatifs
Dans le passé, la plupart des dons étaient des dons uniques destinés à financer des projets spécifiques ou à couvrir les coûts quotidiens des groupes de conservation. Mais aujourd’hui, il y a d’autres façons de faire un don. Les donateurs (particuliers, fondations et entreprises) peuvent désormais s’associer à des investissements liés à des objectifs de conservation, accorder des prêts à faible taux d’intérêt et même offrir des garanties financières. Découvrez pourquoi votre don, quel que soit son montant, a de l’importance.
À plus grande échelle, certains pays collaborent avec des philanthropes pour mettre en place des fonds fiduciaires de conservation et créer un flux régulier de financement à long terme pour les efforts environnementaux.
Flux de trésorerie de projets de conservation
Il est possible de monétiser les projets de conservation afin de débloquer de nouvelles sources de financement. Par exemple, les parcs nationaux peuvent faire payer des droits d’entrée, et on peut exploiter de manière durable les forêts pour récolter et vendre le bois dans les meilleures conditions. Les particuliers et les entreprises peuvent également payer pour compenser leur pollution, par exemple en finançant des efforts de plantation d’arbres pour absorber le dioxyde de carbone. Tous ces revenus peuvent ensuite être utilisés pour financer encore plus de projets de conservation et attirer des investisseurs privés.
Investissements à but lucratif
De plus en plus d’entreprises et d’investisseurs reconnaissent aujourd’hui qu’un écosystème sain n’est pas seulement bon pour la planète, il l’est aussi pour leurs résultats financiers.
Les activités génératrices de profits comme l’agriculture durable, les gîtes pour l’écotourisme et les projets d’énergie renouvelable attirent les entreprises privées d’investissement à impact qui souhaitent soutenir des projets environnementaux. Avec le financement mixte (qui combine des capitaux publics, philanthropiques et privés), ces activités permettent aux organisations de conservation d’intensifier leurs efforts.
Comment le secteur privé peut-il financer la conservation ?
Le secteur privé peut recourir au financement de la conservation afin d’agir pour la planète, de rester compétitif et de répondre aux exigences réglementaires croissantes en matière de pratiques durables.
Les entreprises tournées vers l’avenir peuvent envisager les dépenses suivantes :
- Dépenses défensives : elles peuvent investir dans la protection des sources d’eau potable et d’autres ressources naturelles afin d’éviter de futures perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement.
- Marchés carbone volontaires : les entreprises peuvent également financer des projets de conservation pour compenser leurs émissions de carbone et atteindre leurs objectifs de développement durable.
En parallèle, les investisseurs peuvent explorer de nouveaux modèles de financement de la conservation, comme :
- Obligations vertes et durables : ce type de prêt peut être accordé aux entreprises qui font preuve d’un engagement fort en faveur du développement durable, ce qui permet aux investisseurs de soutenir indirectement les efforts en faveur de l’environnement.
- Dérivés : des swaps de défaut de crédit et des instruments similaires peuvent être conçus pour réduire les coûts d’emprunt des entreprises qui protègent les écosystèmes clés.
En quoi le financement de la conservation protège-t-il la nature et la faune ? Comment atténue-t-il le changement climatique ?

Dans notre lutte contre le changement climatique, notre outil le plus puissant, c’est la nature elle-même. Voici comment le financement de la conservation contribue au maintien et à la restauration de nos écosystèmes naturels :
Sécheresses
Les fonds de conservation peuvent être affectés à des projets de restauration et de préservation des forêts et des zones humides, qui absorbent et stockent naturellement les précipitations afin de garantir la disponibilité de l’eau. Par exemple, après une sécheresse dévastatrice, des communautés en Inde ont régénéré des forêts pour stabiliser le niveau des eaux souterraines. Des projets similaires sont en cours en Gambie.
Le projet L’eau c’est la vie d’IFAW fournit des pompes aux communautés rurales d’Afrique subsaharienne afin de prévenir les conflits qui peuvent survenir entre les populations et les animaux sauvages lorsqu’ils partagent les mêmes sources d’eau. En 2022, nous avons également distribué 121 000 litres d’eau à cinq villages du Somaliland, confrontés à une grave sécheresse.
Incendies
Le financement vert peut également soutenir de nouvelles activités visant à réduire la nécessité de lignes de feu artificielles et à promouvoir des barrières naturelles nécessitant peu d’entretien. À Malte, par exemple, des cyprès méditerranéens sont plantés pour servir de coupe-feu naturel.
En Australie, IFAW s’est lancé dans un projet de réhabilitation sur 15 mois en partenariat avec Great Eastern Ranges pour restaurer les habitats et créer des corridors pour la faune sur 3 600 kilomètres de la côte est de l’Australie, afin d’aider les communautés, les habitats et les animaux à retrouver une vie normale après les feux de brousse.
Canicule
Les chaleurs extrêmes font des milliers de victimes et détruisent des sources de revenus. Le financement de la conservation peut soutenir des initiatives de plantation d’arbres en milieu urbain afin d’atténuer le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Ces projets permettent de rafraîchir les villes et de réduire la consommation d’énergie par l’ombrage naturel et l’évapotranspiration. Melbourne, par exemple, plante davantage d’arbres pour abaisser la température de la ville de 4°C.
Inondations côtières
D’ici 2050, l’élévation du niveau des mers pourrait déplacer jusqu’à 300 millions de personnes. Le financement de la conservation peut soutenir les écosystèmes côtiers comme les mangroves et les récifs coralliens, qui agissent comme des digues naturelles protégeant contre l’élévation du niveau des mers et les marées de tempête. Ainsi, un village de Tanzanie a restauré ses mangroves pour stopper la pénétration de l’eau de mer et sauver ses récoltes.
Glissements de terrain et érosion
Le changement climatique provoque des phénomènes météorologiques irréguliers à l’origine de glissements de terrain dans de nombreuses régions du monde. L’île Banks, au Canada, en est un exemple flagrant : le dégel du pergélisol a entraîné une augmentation de 6 000 % des glissements de terrain. Le financement de la conservation peut soutenir le reboisement et les efforts de gestion durable des terres pour stabiliser le sol, absorber l’eau et prévenir l’érosion. Un bon exemple concret est l’initiative du gouvernement des Comores qui plante des arbres pour protéger les exploitations agricoles dans les zones montagneuses.
Désertification et tempêtes de sable
Saviez-vous que le désert du Sahara a progressé de 10 % depuis 1920, détruisant les points d’eau et les terres arables ? Les financements verts peuvent aider les projets visant à maintenir l’humidité et la fertilité des sols afin de lutter contre la désertification et de réduire le nombre de tempêtes de sable. La Grande Muraille verte en Afrique (financée par des fonds de conservation), par exemple, est en passe de restaurer 100 millions d’hectares de terres et de créer 10 millions d’emplois d’ici à 2030.
Changement climatique
Des études montrent que la préservation des habitats naturels peut prévenir 30 % ou plus de l’augmentation de température que nous voulons éviter. Le financement de la conservation protège et restaure ces puits de carbone afin qu’ils puissent absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Le Corridor de conservation Chocó-Darién en Colombie, qui s’étend sur l’une des régions les plus riches en biodiversité de la planète, illustre la réussite de ce type de financement de la conservation. Financé par la vente de crédits carbone, il continue à protéger de vastes étendues de forêts tout en soutenant les moyens de subsistance des populations locales et en préservant la biodiversité.
Un autre exemple est l’initiative Donnons de l’espace d’IFAW, notre vision ambitieuse de la conservation des habitats en Afrique australe et orientale. Avec pour objectif de relier les habitats des éléphants, Donnons de l’espace permettra de soutenir les populations de ces espèces vitales qui jouent le rôle d’ingénieurs de l’écosystème et contribuent à renforcer la résilience des paysages face aux chocs climatiques.
Quels sont les défis du financement de la conservation ?

Il ne fait aucun doute que le financement de la conservation est un excellent moyen d’utiliser les fonds des gouvernements et du secteur privé pour sauver la planète. Mais comme pour toute initiative, il y a des points essentiels à prendre en compte :
Problèmes liés au greenwashing
Mesurer précisément l’amélioration réelle de l’environnement apportée par les projets de conservation peut s’avérer difficile. À juste titre, certains s’inquiètent du fait que les produits financiers verts pourraient surestimer leurs avantages environnementaux et se demandent si les marchés de compensation des émissions de carbone sont réellement efficaces.
La question de l’additionnalité, qui consiste à savoir si l’activité d’atténuation des émissions de carbone se serait déroulée sans les crédits carbone, est l’une des questions qui se posent sur ces marchés. Un projet « additionnel » fait référence à une initiative de compensation du carbone qui n’existe que grâce au financement qu’elle reçoit des crédits carbone. Pour qu’un projet soit considéré comme une véritable compensation carbone, la réduction obtenue doit être « additionnelle ». Un projet qui se serait réalisé de toute façon ne peut pas être considéré comme une véritable compensation.
Les protocoles permettant de vérifier et de déterminer la validité des projets de compensation des émissions de carbone comprennent le Verified Carbon Standard, le Climate Action Reserve, le Gold Standard, l’American Carbon Registry et le Mécanisme de développement propre des Nations unies.
Davantage de transparence et de processus de certification par des tiers sont nécessaires pour accroître la responsabilité, renforcer la crédibilité et atténuer les préoccupations liées au greenwashing.
Garantir l’équité
Les efforts de conservation ne doivent pas déplacer ou désavantager les communautés locales. Le financement de la conservation doit donc trouver un équilibre entre les objectifs environnementaux et sociaux. Pour cela, il est possible d’utiliser des modèles de planification de projets et de partage des bénéfices dirigés par la communauté, qui impliquent les parties prenantes locales dans les décisions clés. Il est indispensable que les efforts de conservation à l’échelle locale soient menés par les communautés elles-mêmes, plutôt que par des organisations extérieures. Pour garantir l’équité, les projets de conservation doivent respecter les droits fonciers des populations côtoyant la faune et obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé.
Au-delà de l’argent
Tout ce que la nature apporte aux humains ne peut ou ne doit pas être monétisé. La faune et la nature ont une valeur intrinsèque et, dans de nombreux endroits du monde, elles ont également une valeur culturelle, sacrée ou sociale. Nous ne devrions pas toujours chercher à leur donner un prix économique. De même, si les incitations financières sont importantes, la conservation nécessite également des changements politiques systémiques et des efforts au niveau local. Nous pouvons tous apporter notre contribution en soutenant les politiques, les entreprises et les organisations qui protègent les habitats naturels.
IFAW soutient les investissements positifs pour la nature qui protègent la santé de notre seule planète. Notre objectif est d’aider à construire un avenir où les animaux et les communautés cohabitent harmonieusement.
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