Grace Ge Gabriel
« Pour assurer la survie des animaux et des humains sur cette planète, nous devons impérativement changer de comportement. »
allons-nous tirer les leçons de l'épidémie de coronavirus ?
Mise à jour : Le Congrès national du peuple Chinois a interdit, le 24 février, la chasse, le commerce, le transport et la consommation d’animaux sauvages terrestres à des fins alimentaires.
Dans le marché aux animaux vivants de Wuhan Huanan, d'où les scientifiques pensent que le coronavirus est originaire, une affiche me donne le frisson.
L'enseigne du magasin, dont le nom parle de « goûts sauvages », ressemble à l'inventaire des animaux exotiques d'un zoo mêlé au menu d'une boucherie. Paons, porcs-épics, rats, renards, crocodiles, louveteaux, tortues marines, serpents, grenouilles, cochons sauvages et bien d'autres espèces… Vendus vivants ou sous forme de viande, pieds, sang, intestins et autres parties du corps. Plus de 100 articles venant de plus de 70 espèces étaient disponibles.
En tant que directrice régionale d'IFAW pour l'Asie, j'ai malheureusement trop l'habitude de voir des affiches comme celle de Wuhan Huanan.
Les marchés d'animaux vivants qui vendent des espèces sauvages sont les incubateurs parfaits pour les zoonoses, les maladies d'origine animale qui se transmettent aux humains. Le commerce d'espèces sauvages met de nombreux animaux exotiques en contact étroit avec les personnes. Le stress de la captivité affaiblit le système immunitaire de ces animaux et crée un environnement dans lequel des virus mutants peuvent facilement passer d'une espèce à une autre. Parfois, une nouvelle souche virale réussit à s'attaquer aux organismes humains, comme cela a été le cas en 2003 avec l'épidémie de SRAS, et comme c'est le cas aujourd'hui.
Le 26 janvier, les autorités chinoises ont temporairement interdit le commerce d'espèces sauvages dans les marchés, dans les restaurants et sur internet. L'élevage, le transport et la vente de toutes les espèces sauvages sont « interdits à compter de la date de l'annonce, jusqu'à ce que la situation épidémique nationale soit terminée », stipule une directive conjointe de trois grandes agences de régulation des marchés de bétail et d'animaux sauvages.
Cette mesure pourrait temporairement réduire les contacts humains avec les animaux sauvages. Mais à moins que le gouvernement ne décide de combler une grave lacune légale qui autorise l'utilisation commerciale des espèces sauvages, cette fermeture temporaire des marchés ne fera que traiter un symptôme, pas la cause de la maladie.
La législation autorise actuellement, via un système de permis, l'élevage, le transport et la vente à des fins lucratives de 54 espèces d'animaux sauvages « ayant une valeur économique », notamment les crocodiles, les tortues marines et les civettes. Les défenseurs chinois de l'environnement accusent souvent ce système de permis d'État d'offrir aux marchands sans scrupules une possibilité de blanchir des espèces sauvages tuées illégalement ou capturées dans la nature pour les fournir aux marchés et aux restaurants.
L'existence parallèle de marchés légaux et de marchés illégaux cause des problèmes pour la lutte contre la fraude, et sape les efforts de réduction de la demande en espèces sauvages. C'est en partie pour cette raison que la Chine a pris la décision radicale d'interdire le commerce intérieur de l'ivoire. Des lois claires motivent les services de lutte contre la fraude en imputant la charge de la preuve aux criminels. Depuis que la Chine a fermé le marché de l'ivoire en 2017, nous avons observé d'importantes actions de lutte contre la fraude sur les marchés physiques et en ligne, qui ont abouti à une baisse significative du commerce d'ivoire dans le pays.
Une enquête réalisée par IFAW a également permis de constater que les sanctions judiciaires sont fortement dissuasives en matière de consommation d'espèces sauvages. Ces deux dernières années, notre campagne publique mettant en lumière les ramifications judiciaires de la consommation de pangolins, d'ivoire, de corne de rhinocéros et d'os de tigre a touché 80 % de la Chine urbaine, et généré une vague de soutien de la part du secteur privé chinois.
Collectivement, nous pensons que la réduction de la demande des consommateurs et celle de l'offre doivent aller de pair.
Les géants du web chinois, les BAT (Baidu, Alibaba et Tencent), ont adopté depuis longtemps une politique de tolérance zéro vis-à-vis du commerce d'espèces sauvages. Il y a plus de dix ans, Alibaba et sa filiale chinoise Taobao ont interdit la vente de parties du corps et produits dérivés d'éléphants, de tigres, de rhinocéros, d'ours, de pangolins, de tortues marines et de requins. Ils ont ainsi lancé le mouvement qui interdit l'accès aux marchés en ligne pour vendre des espèces menacées.
Alors que l'épidémie de coronavirus est en train de devenir une urgence mondiale, le commerce d'espèces sauvages ne se limite plus à une question de conservation des espèces. Il s'agit d'une question de santé publique. De biosécurité. De sécurité nationale.
Combien d'épidémies de coronavirus et de SRAS faudra-t-il avant que les législations soient établies non pas sur la base de la valeur économique des espèces sauvages, mais sur la base de leur valeur écologique ?
Grace Ge Gabriel, Directrice régionale Asie
Grace Ge Gabriel
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